La phrase « Tu les as voulus, tes enfants, c’est ton problème » résonne particulièrement douloureusement pour quelqu'un comme moi, mère de trois filles et artiste de cirque, qui doit affronter les défis d'une profession déjà précaire et complexe. Cette affirmation réductrice ignore les droits et les besoins de ceux qui, comme moi, doivent jongler entre leur travail et la garde de leurs enfants, souvent sans aucun soutien. Les difficultés ne proviennent pas seulement de l'acte d'élever des enfants, mais de l'absence de structures et de politiques inclusives permettant aux familles nombreuses de participer pleinement au monde du travail artistique. C'est pourquoi il est essentiel de faire valoir nos droits en tant que parents et travailleurs, en réclamant un changement concret des politiques et des mentalités.
Parentalité et responsabilité sociale dans le contexte artistique
Être une mère et une artiste ne devrait pas signifier devoir choisir entre le travail que j'aime et la garde de mes filles. Et pourtant, c'est exactement ce qu'on m'impose : soit je paie tous les services moi-même, soit je laisse mes filles à la maison, soit je m'adapte parce que « personne ne vient avec sa famille au travail ». Cette attitude minimise non seulement ma situation, mais aussi la fonction sociale de la famille et du travail artistique. Le monde de l'art, et en particulier celui du cirque, devrait être un lieu ouvert aux nouvelles expériences et perspectives. Inclure la dimension familiale, et ne pas la reléguer à un problème individuel, contribuerait à une société plus juste.
Avoir des enfants n'est pas un acte égoïste. C'est un choix qui, bien que personnel, a des répercussions pour toute la société. Élever des enfants dans un environnement où ils peuvent être exposés à l'art et à la culture signifie contribuer à la formation de futurs citoyens, travailleurs et leaders. Il ne s'agit pas seulement d'une expérience individuelle : les enfants sont des membres de la communauté, de futurs citoyens qui grandiront avec des valeurs artistiques et culturelles s'ils sont impliqués. La phrase « personne ne vient avec sa famille au travail » reflète une mentalité dépassée et individualiste qui ne prend pas en compte la complexité et la beauté que la dimension familiale pourrait apporter au monde créatif.
Inclusivité : un droit que le monde de l'art doit adopter
Le monde du cirque et de l’art en général prend rarement en compte les besoins des parents, en particulier ceux des familles nombreuses. Les horaires des spectacles, les voyages constants, le manque de structures pour les enfants rendent extrêmement difficile pour moi de participer pleinement à ma profession. Cela m'exclut non seulement, mais prive aussi mes filles de l’opportunité de vivre et d'apprendre de l'art que j'aime. Le monde du cirque, avec sa nature itinérante et ouverte, pourrait être un contexte idéal pour montrer comment l'inclusion des familles peut être un atout, et pourtant on continue de considérer la famille comme un obstacle.
D’où l’importance de créer des espaces adaptés pour les enfants de ceux qui travaillent dans le monde de l’art, où ils peuvent être accueillis et suivis par des personnes spécialisées. Mes besoins, en tant que mère qui travaille dans un contexte artistique, sont différents de ceux des autres familles avec des métiers considérés comme plus « normaux », à la fois en termes d’horaires et de situations que nous vivons. Il est essentiel de reconnaître que les services traditionnels de garde d’enfants ne s’adaptent souvent pas à mon travail, et la création de solutions sur mesure, comme des espaces flexibles ou des babysitters formés pour s'occuper des enfants pendant les horaires atypiques de travail, deviendrait un soulagement indispensable.
Avoir des services comme des horaires flexibles, des espaces pour les enfants, ou même la possibilité d'emmener les familles en tournée, serait un énorme pas en avant. Il est injuste de me dire que « personne ne vient avec sa famille au travail » alors que mon travail pourrait enrichir non seulement moi, mais aussi mes filles, en leur offrant la possibilité de grandir dans un environnement stimulant et créatif. C'est pourquoi il est important de faire valoir nos droits en tant que travailleurs et parents, en exigeant que soient créées les conditions pour une véritable inclusion.
L'importance de payer des babysitters pour pouvoir travailler
Payer une babysitter n'est pas un luxe, c'est une nécessité pour quelqu'un comme moi, qui se trouve dans une situation où il ne peut pas compter sur un système de soutien familial ou sur des structures qui accueillent ses enfants. Bien que cela puisse sembler un problème banal, la difficulté de trouver une assistance adéquate et de payer des babysitters qualifiées impacte directement ma capacité à travailler. En tant que mère travaillant dans un domaine artistique avec des horaires imprévisibles, je ne peux pas me fier aux services de garde classiques, qui ne fonctionnent souvent pas le soir ou les jours fériés, lorsque j'en ai le plus besoin.
Le coût d'une babysitter ne devrait pas être vu comme une charge qui incombe uniquement au parent, mais comme une partie intégrante de la création d'un environnement de travail inclusif. Sans ce soutien, moi et d'autres mères dans ma situation sommes forcées d'abandonner le travail ou d'accepter des conditions de travail moins favorables. Il s'agit d'une question d'équité : si nous voulons une société où tout le monde, y compris les parents, puisse travailler et contribuer activement, nous devons créer les conditions nécessaires pour que cela soit possible.
La valeur ajoutée de la parentalité dans le monde artistique
Mon expérience en tant que mère enrichit profondément mon travail artistique. Le soin et l’amour que je porte à mes filles se reflètent dans mes performances, dans ma capacité à ressentir de l'empathie avec le public, à transmettre des émotions authentiques. Mais au lieu d'être reconnue comme une ressource, la parentalité est traitée comme un obstacle. L'art a toujours abordé des thèmes comme l'amour, la perte, le changement — des expériences que je vis quotidiennement en tant que mère.
La question qui se pose est la suivante : pourquoi les institutions artistiques ne reconnaissent-elles pas la valeur que la parentalité apporte au paysage culturel ? Pourquoi, au lieu de faciliter la participation de ceux qui ont des enfants, continue-t-on à créer des obstacles qui rendent la vie professionnelle des parents semée d’embûches ? Participer activement au monde de l’art ne devrait pas signifier renoncer à sa famille, et la parentalité n'est pas une limite à la créativité, mais une source d'inspiration qui mérite d'être valorisée.
Un changement de mentalité pour un avenir plus équitable
Le monde de l’art, et en particulier celui du cirque, doit adopter une mentalité plus inclusive. Les structures et les politiques doivent être repensées pour que les familles ne soient pas exclues, mais accueillies. Créer des espaces où les mères, les pères et les enfants sont les bienvenus ne signifie pas seulement promouvoir l'inclusivité, mais aussi enrichir le monde artistique de nouvelles perspectives et de récits. La parentalité n'est pas une limite à la créativité, mais une source d'inspiration et de force.
Changer la mentalité qui voit les enfants comme un obstacle signifie reconnaître que nous faisons tous partie d'un contexte social interconnecté. Mes filles ne sont pas seulement ma responsabilité, mais une partie de l'avenir que nous, en tant que communauté, construisons. Il est temps de briser les barrières culturelles et structurelles qui empêchent les parents de participer pleinement à la vie artistique.
Conclusion
Dire à une mère comme moi que « personne ne vient avec sa famille au travail » ou que « tes enfants sont ton problème » n’est pas seulement injuste, mais reflète un manque de compréhension de la réalité dans laquelle nous vivons. Pour créer une communauté artistique véritablement inclusive, il est nécessaire de reconnaître les droits des parents et de mettre en œuvre des politiques qui facilitent leur participation. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons espérer construire un monde où l’art, le travail et la famille peuvent coexister en harmonie, sans nous obliger à choisir entre ce que nous aimons et ceux que nous aimons. Faire valoir nos droits en tant que parents est le premier pas vers une société et un monde artistique plus équitables et inclusifs.
Cie MDS - Marianna De Sanctis / Mother.Woman.Artist
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